Rappelons que les trois premiers volumes parus en 1996, 1998 et 2001 couvraient les périodes suivantes: De saint Guillaume à la fin des Lumières, Des Lumières à la Révolution et De la Révolution au cap du XXe siècle. D’Emile Argand à Jean-Paul Zimmermann, quarante-six Neuchâtelois d’origine ou d’adoption sont mis en valeur par trente et un auteurs. Dans l’introduction, Michel SCHLUP rappelle que la première moitié du XXe siècle est caractérisée par des tensions sociales et par la crise économique de 1929. Le rayonnement du canton est dû à des savants, des artistes, des musiciens, quelques écrivains et des industriels. Un remarquable choix d’illustrations assure l’unité de la présentation et permet de passer sans heurts aux textes dus à des plumes très diverses.
Dans le choix opéré, certaines notices rendent justice à des personnages oubliés, voire méconnus des nouvelles générations, et parce qu’il existe aussi des sortes de cloisons entre les régions du pays. Chaque notice, brève et précise, s’appuie sur des notes et des références. Ainsi rencontre-t-on un Jurassien d’origine, né à La Chaux-de-Fonds en 1878, qui trouva sa voie en Amérique du Nord et donna son nom aux automobiles Chevrolet. Il est un des six industriels retenus, fort différents les uns des autres. Maurice Favre, monteur de boîtes, aussi président du Contrôle des ouvrages en métaux précieux, fut un efficace et généreux conservateur du Musée d’horlogerie, du Musée historique de La Chaux-de-Fonds et membre du comité du Musée neuchâtelois! Quant à Carl Russ, venu de Prusse rhénane, il développa la fabrication du chocolat Suchard jusqu’à produire soixante tonnes par jour. Il fut aussi un animateur et mécène de la culture, de la musique, des écoles et du bien-être de l’enfance. Scientifiques, artistes peintres et écrivains, au sens large, ont chacun une douzaine de représentants.
La réputation du personnage ouvrant l’ordre alphabétique, Emile Argand, géologue de très grande envergure, n’a évidemment pas atteint dans le public la réputation de Le Corbusier, champion d’une modernité pas toujours comprise. Il faut citer quelques personnes tel Edmond Béraneck, professeur de zoologie à l’Académie de Neuchâtel dès 1883, qui entreprit plus tard des recherches dans le domaine de la bactériologie. Les affiches très stylisées d’Eric de Coulon n’apparaisssent plus aujourd’hui qu’en reproduction, alors qu’elles avaient été placardées sur les murs de Paris. Au tout début des années 1940, on pouvait croiser dans le corridor supérieur de l’Université, Otto Fuhrmann, professeur d’anatomie comparée et de zoologie depuis 1904. Ce Bâlois, qui emmenait ses étudiants sur le terrain, est considéré comme le fondateur de l’école de parasitologie à Neuchâtel. De Marcel Godet, directeur de la Bibliothèque nationale suisse, décédé en 1949, on doit retenir qu’il fut «un des grands promoteurs de la société de l’information». Instituteur dès 1893, puis rédacteur en chef de La Sentinelle, Ernest-Paul Graber écrivit des articles remarqués pour «leur sens de la vulgarisation, leur force d’argumentation». Avec son ami l’avocat et pacifiste Charles Naine (qui a aussi une notice), il créa un groupe de jeunesse socialiste, et développa les mouvements coopératif et syndical. Conseiller national jusqu’en 1943, il est le père du conseiller fédéral Pierre Graber. Quant à Gustave Jéquier, égyptologue réputé, on ignore généralement qu’en 1901 il a trouvé dans le sol, au sud-ouest de la Perse, le fameux code de Hammourabi. La mort prématurée de Gustave Juvet «mathématicien, physicien, philosophe» ne l’a pas empêché d’être un «précurseur de la diffusion des théories modernes de la physique et de la chimie, pour les pays francophones».
Charles L’Eplattenier, dont un autoportrait figure sur la jaquette du livre, est évidemment bien connu, au contraire de Jeanne Lombard (1865-1945) élève de Fritz Landry, portraitiste et réalisatrice de grandes compositions consacrées aux Huguenots. De tout ce qu’il faudrait dire d’Albert Monard, «zoologiste, botaniste, explorateur», retenons ici que ce professeur de gymnase fut aussi l’auteur du Petit Botaniste Romand (1919), dès lors révisé et toujours utilisé! Descendant d’une famille de musiciens, Georges-Louis Pantillon, né en 1896, chef de chœur remarquable et pédagogue, qui ouvrit la jeunesse à la musique, a aussi «chanté sa terre» comme compositeur. Les frères Philippe et Théophile Robert appartenaient à une dynastie de peintres. Le premier est notamment l’auteur de décorations murales, des vitraux de nombreuses églises et des illustrations d’une grande Bible de mariage. Théophile Robert, à Paris de 1918 à 1929, expose aux Salons d’automne des Indépendants. Connu comme peintre religieux, il n’a pas cessé d’évoluer et de renouveler son inspiration. Enfin, né à Marin où son père exécuta les premières fouilles officielles de la Tène, Paul Vouga fut nommé secrétaire de la Commission des fouilles de ce lieu-dit en 1909. Il travailla dix ans sur le site, puis eut l’idée de commander à l’armée des photographies aériennes des pilotis immergés à Cortaillod. Ces coups d’œil, sans prétention, sur quelques personnalités figurant dans Biographies neuchâteloises, ne peuvent que refléter imparfaitement l’intérêt de ce volume.
Citation:
Jean Courvoisier: Compte rendu de: Michel Schlup, Biographies neuchâteloises, tome 4, 1900-1950, Hauterive, Editions Gilles Attinger, 2005, 325 p. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, année 143-4, 2006, p. 323-324.